Label : Apathia Records

Style : Post-Hardcore

Artwork à l’esthétique particulièrement élégante, packaging (mention spéciale à l’édition vinyl de l’album) qui ne l’est pas moins, on ne va pas se mentir : la découverte du tout premier effort long-format des Frenchies de Vesperine – dans sa version « produit fini » – s’annonçait déjà sous les meilleurs augures. Qui plus est en étant distribué avec l’appui du toujours pointu label hexagonal Apathia Records (Buy Jupiter, Dronte, Wheelfall, Zapruder..). Néanmoins, on se devait également de convenir qu’au-delà de l’aperçu visuel, certes très agréable, il nous restait à savoir ce que la bête avait dans le ventre.

Car ici, le mot clé à souligner est « bête » et pour cause : ‘Espérer Sombrer’ a tout de l’incarnation sonore d’une métaphore lovecraftienne. Et malgré un très léger défaut disons ‘structurel’ ou plutôt de… conception (chose que le groupe surmonte paradoxalement très bien), on y reviendra plus loin ; cette créature multicéphale que l’on imagine au fil de l’album comme un mélange d’hydre et de pieuvre aux proportions tout bonnement fantasmées, nous plonge dans cet univers propre à l’œuvre de Vesperine. Un groupe qui livre ici un premier album à la maturité créative saisissante, explorant les tréfonds de l’âme à coups de climax post-metal quand la douleur la plus viscérale se montre elle plus sur les passages oscillant entre post-rock légèrement prog et screamo eruptif.

Morceaux-fleuves (« Nous, si photosensibles », « Celui que l’ombre pénètre »), atmosphères à couper à couteau, exigence formelle de tous les instants : certes l’album demande un petit effort d’immersion tant il n’est pas forcément très accessible au premier abord. Mais une fois la descente en rappel entamée pour atteindre les profondeurs d’un post-hardcore acéré et parfaitement conceptualisé dans son écriture, ce voyage (parfois sans retours certes) se révèle des plus passionnant, notamment en termes d’intensité sensorielle. Piste après piste, le groupe déroule ainsi sa trame narrative avec une belle maîtrise du rythme, osant des longueurs sans jamais en abuser ni ennuyer, se permettant d’étendre à loisir le format de ses morceaux tout en conservant cette vision si particulière qui est la sienne (« Mille couleurs »).

Parce qu’il faut bien trouver à redire, on va donc s’attarder sur le petit détail (mais c’est ici que le Diable est venu se terrer, dont acte), à savoir le choix, parfaitement assumer par le groupe de chanter dans la langue de Voltaire là où la plupart de ses contemporains préfère user de celle de Shakespeare. Or force est de constater que dans la puissance évocatrice, l’intensité brute mais également la rythmique des mots comme son impact, la seconde sied mieux au style musical et de fait, Vesperine s’est imposé une forme de handicap, de contrainte créative que le groupe parvient à faire sien. Tout en  façonnant son propre plafond de verre qui lui empêche d’atteindre l’excellence absolue.

Pourtant, en l’état, quand bien même le groupe livre ici une œuvre à la proposition artistique légèrement risquée et qui ne plaira forcément pas à tout le monde et aux ayatollahs du post-hardcore pur, dur et codifié à l’extrême, le résultat est de très haute facture (« Crépuscule et aube ») et place Vesperine dans la catégorie des futures grosses pointures de cette scène musicale. Peut-être même un peu en avance sur son époque.

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A propos de l'auteur

Big boss/grand-mamamushi, God(e) ceinture et mite en pull-over. (je fais aussi le café et les photocopies)

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