Label : Pelagic Records

Style : Post-Rock

‘Rupture’ vient du fait que notre civilisation thermo-industrielle, mais aussi l’équilibre naturel de la planète, les espèces animales, semblent tous proche d’un point de Rupture, que cela n’est pas infini et que tout ne tient qu’a un fil.

Alors que l’on aurait pu penser que leur nouvel album prenait son inspiration d’une histoire extrêmement personnelle ou tout du moins liée à quelque chose d’éminemment intime, il n’en est rien, ‘Rupture’, le quatrième opus long-format des Frenchies de Lost In Kiev est au contraire porteur d’une vision plus universelle de la vie, d’où son artwork (?) au demeurant particulièrement réussi, mais surtout son contenu.

Car il est clair que le groupe a des choses à exprimer, même si, en majeure partie, instrumentalement.

C’est donc au travers d’un propos sur le fond pour le moins sombre, presque laconique, voire désenchanté, que le groupe nous réserve un « twist » musical plutôt inattendu : sa nouvelle création apparaissant dans son contenu comme lumineuse, dynamique et en un sens porteuse d’espoirs dès lors qu’on la dépose sur la platine. Mais il le fait, tout en se dégageant des clichés et poncifs éculés du genre, comme pour mieux les sublimer avant de déployer son sous-texte avec une maîtrise folle de son sujet.

C’est un album un peu cathartique pour nous : sur les angoisses, la peur mais également l’espoir de choses nouvelles sur les questions écologiques, sur le vivant dans son ensemble. Ce sont des sujets qui nous touchent beaucoup depuis plusieurs années.

L’être humain moderne et nos civilisations sont remplis de contradictions, c’est aussi ce qu’on à essayé de représenter musicalement, avec cette ambivalence sur un sujet grave mais duquel il peut aussi en sortir de belles choses.

Ondulations mélodiques fiévreuses, enluminures synthétiques et progressions hypnotiques de haute volée, on se rend alors compte qu’avec LIK, tout est question de juste équilibre (le fameux album de la maturité ?), de trouver le parfait assaisonnement pour parfaire une recette musicale déjà éprouvée, mais dont le groupe repousse ici les frontières au détour de climax habités (le sublime « We Are »). Avec l’élégance de ceux qui font cela sans que l’on s’en rende compte tout de suite (« Squaring The Circle »).

A la croisée des microsillons entre les évidentes figures de proue que sont les Explosions In The Sky, God Is An Astronaut et autres We Lost The Sea, nappé de textures sonores renvoyant à 65daysofstatic, M83, Maserati ou sleepmakeswaves (« Another End Is Possible »), Lost In Kiev délivre un album à la trame musicale finement ciselée (« Solastalgia »), habité par sa narration, toute en progressions littéralement enivrantes (« But You Don’t Care ») pour lequel il n’en finit plus de se renouveler, voire de se réinventer, toujours en s’appuyant sur ce qui faisait la force de ses créations précédentes.

Post-rock on a dit ? Certes, mais pas que.

 

Ce n’est pas forcément évident de se démarquer : il y à prolifération d’artistes et ce dans un style « de niche ». On essaie de ne pas trop réfléchir à ça et de faire ce qui nous fait plaisir avant tout. Même si notre musique est principalement instrumentale, on essaie de s’inspirer via des thématiques par album pour composer, ça nous aide à voyager et à créer une ambiance qui parle aux auditeurs.

Nous avons aussi tous des influences assez diverses et variées, allant de l’électro, au metal, à la musique de film en passant par du jazz et au rock au sens large, on prend ce qui viens à l’instant T et on voit ou ça nous amène. Je pense que c’est aussi ça qui nous permet d’explorer et d’expérimenter autour de différents styles.

Un enregistrement de surcroît serti d’un packaging largement à la hauteur des ambitions esthétiques du groupe. Lequel, que ce soit la version CD ou encore plus vinyle, concourt à rendre le support digital déjà un peu obsolète – en plus d’être complètement inique en termes de modèle économique pour les artistes – la minute vaguement « engagée » est terminée. Car si ‘Rupture’ captive et fascine, au fil des écoutes, lesquelles dévoilent à chaque fois un petit peu plus les apparats d’un groupe parvenu au sommet de son art, c’est aussi l’objet qui sublime l’écoute de l’album. Ou quand le contenant sert à merveille le contenu.

Trois ans après un excellent ‘Persona’ lui aussi sorti via Pelagic Records – irréprochable maison de disques allemande derrière des groupes comme BRUIT <, Mono, pg.lost, Shy, Low ou The Ocean –  mais dans des conditions un peu particulières en termes de promotion et de diffusion live (ne serait-ce qu’à cause d’un petit pangolin et d’une gestion quelque peu cataclysmique de la crise sanitaire notamment pour le milieu culturel), Lost In Kiev s’offre même ci et là quelques éclairs de fureur bienvenus (« Dichotomy », « Prison Of Mind » avec en bonus une contribution vocale signée Loïc Rossetti de… The Ocean justement).

Nous avons commencé à travailler avec Pelagic sur la sortie de notre précédent album ‘Persona’ en 2019. On était vraiment très content de pouvoir faire ça avec eux, c’est un label référence pour nous avec énormément de groupes qu’on adore. Malheureusement, la promo de ‘Persona’ à vite été stoppée par le Covid et nous n’avons pas pu vraiment aller loin sur cette release. Et comme tout va très vite dans la musique, il fallait passer à autre chose.

On peut dire en quelques sorte qu’on ne commence vraiment à travailler en profondeur avec eux avec la sortie de ‘Rupture’, Pelagic est une belle vitrine dans notre style de musique et nous permet de sortir de magnifiques disques.

Sans la moindre faute de goût, tout en maîtrise de l’art délicat de la nuance et du crescendo éruptif (l’intense « Digital Flesh », l’éponyme « Rupture »…), les post-rockeurs français jouent habilement la carte de la légèreté face à des thématiques parfois pesantes, tout en élégance paradoxale mais absolue. Indispensable ? Sans aucun doute, car Lost In Kiev a accouché ici d’une petite merveille du genre.

 

A propos de l'auteur

Big boss/grand-mamamushi, God(e) ceinture et mite en pull-over. (je fais aussi le café et les photocopies)

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