Label : Pelagic Records

Style : Djent/Post-Metal/Prog’/Indie

Après déjà deux albums « majuscules » à leur actif (‘Des deux l’une est l’autre’ en 2007 puis ‘Acid mist tomorrow’ cinq ans plus tard), les pionniers de la scène (post)-metal cinématique hexagonale que sont Hypno5e remettent le couvert avec un très attendu troisième opus long-format paru en CD, LP et digital classe via Pelagic Records (Abraham, Cult Of Luna, Mono, The Ocean, The Old Wind, etc…). Un nouvel opus qui orchestre dès les premiers instants une véritable plongée en apnée dans l’univers organique d’un groupe qui aura pris tout son temps pour poursuivre son évolution musicale, perpétuelle.

Intro néo-classique à la fois grave et lumineuse, annonciatrice d’une éruption que l’on devine imminente et une tension sourde, encore pour le moment tapie dans l’ombre (« East Shore – Landscape In The Mist»), on sent déjà que la déferlante va nous arriver en pleine face. Et cela ne loupe pas : dès la deuxième piste, les Montpelliérains font monter la pression et lâchent du lourd dans les écoutilles : entre prog’ onirique et gros (death)metal technique qui torpille les enceintes, cela vise juste, cela frappe fort et le résultat est d’une finesse rare en même temps que l’entreprise de démolition émotionnelle se met en branle pour ne plus nous lâcher (« East Shore – In Our Deaf Lands », «West Shore – Where We Lost The Ones »).

On est face à une formation qui peut désormais tout oser « artistiquement » parlant. A peu près tout se permettre. Et qui va jouir de ce privilège assez rare sans en abuser de manière immodérée. Tout en maîtrisant parfaitement son sujet, mêlant épure acoustique raffinée et tornade (post-)métallique / djent à la technicité de pointe. Car en plus de savoir écrire des titres de haute volée, les Hypno5e sont comme à leur habitude d’excellents exécutants, mettant ainsi leur savoir-faire au service de morceaux à la fois ravageurs et apaisants, aériens et telluriques, parsemés de spoken word enfiévré et habités par un esprit de découverte de leurs propres limites, qu’ils vont invariablement chercher à repousser.

Extraits de dialogues convoquant Rainer Maria Rilke, Louis-Ferdinand Céline…, des chœurs déposant les esquisses mélodiques sur la platine puis une mécanique instrumentale qui prend possession de la partition, emportant tout sur son passage (« West Shore – Memories »), ‘Shores of the abstract line’ n’est pas que puissance brute, effarante maestria formelle et atmosphères éthérées, il se fait avant tout l’écho d’émotions déchirées. De ces petits fragments de vie qui font la bipolarité d’un album à la fracassante élégance indie-pop-rock (« Central Shore – Tio »), comme au riffing tellurique porté par sa production constamment haut de gamme («North Shore – The Abstract Line »).

S’aventurant vers des rivages sonores moins abstraits qu’il n’y paraissait au premier abord et dévoilant des territoires sonores pas forcément attendus, le troisième album d’Hypno5e est une oeuvre à la profondeur de champ rare qui explore un univers aux possibilités quasi infinies. Un disque qui, quelque part entre Cynic, Gojira, Hacride, Meshuggah, Opeth, Steven Wilson et The Ocean confirme et surprend, tout en se ménageant un espace d’expression où la prise de risques se dispute à l’implacable efficacité (l’éblouissant « North Shore – Sea Made Of Crosses », un « South Shore – Blind Man’s Eyes » terminal), à la croisée des chemins entre metal technique lourd, screamo éruptif et prog-rock désenchanté, intense et salvateur.

(Vraiment très) classe.

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A propos de l'auteur

Big boss/grand-mamamushi, God(e) ceinture et mite en pull-over. (je fais aussi le café et les photocopies)

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