Label :  Ipecac Recordings

Style: Hip-Hop/Noise/Indus

A peine une petite année et demi après l’EP ‘Asphalt For Eden’ sorti au printemps 2016 chez Profound Lore Records – qui marquait alors un retour aux affaires discographiques après quelques sept années d’absence (depuis l’impressionnant ‘Gutter Tactics’ paru en 2009 chez Ipecac Recordings (Bohren & Der Club of Gore, Dub Trio, Mark Lanegan, the Melvins, Faith No More, Fantômas, Peeping Tom, etc.), le groupe s’était accordé une petite pause de quatre années entre 2011 et 2015), Dälek refond de nouveau équipe avec le label co-fondé par Mike Patton pour livrer ce qui constitue le huitième album du projet hip-hop/noise/industriel expérimental culte : ‘Endangered Philosophies’.

Un nouvel opus long-format pour le trio de Newark et dès son morceau d’ouverture (« Echoes Of… »), l’implacable démonstration que dans l’Amérique de Trump et d’un monde toujours plus troublé, politiquement, économiquement, socialement, le discours de MC Dälek et de ses deux co-conspirateurs (on note que Oktopus n’est toujours pas de retour au sein du projet) n’a sans doute jamais été aussi percutant. Transperçant de part en part les clichés éculés du hip-hop commercial, le groupe défonce les cloisons de la musique aux pseudo discours auteuristes et en réalité calibrée par le marketing, pour imprimer sa marque dans la psyché de son auditoire (« Weapons »).

Rythmiques chaloupées, flow insidieusement percutant, le plus « rock et métallique » des groupes de hip-hop Américains (ils ont pour rappel tourné aux côtés de pointures comme Godflesh, Isis, Tool, Dillinger Escape Plan ou The Young Gods et même en 2010 collaboré avec l’une des références de la scène metal/hardcore/punk expérimentale d’outre-Atlantique Starkweather sur l’album ‘This Sheltering Night’), Dälek se veut cinglant et sans concession (« Few Understand »), adepte d’un discours qui n’a rien d’aseptisé et qui marque les esprits par sa noirceur oppressive (« The Son Of Immigrants »). Parce que le monde dans lequel vit le groupe, du moins aux yeux de celui-ci, est celui de l’idiocratie, des inégalités profondes et d’une violence qui des tas de formes différentes, pour annihiler toute forme d’optimisme et inexorablement l’enfermer dans une forme de prison mentale.

 

Pessimiste, un peu désespérée même, enveloppée dans des textures sonores et des arrangements particulièrement obsédants, la musique du groupe n’est pas que l’écrin de ses lyrics. Elle les sublime, leur offre un impact décuplé (« Sacrifice ») et tout son caractère à cet album forcément racé sur lequel le groupe sème pourtant ci et là quelques éléments un peu plus positifs, presque lumineux (« Beyond the Madness »). Bon, « presque » d’accord. Façon Dälek certes… mais cela confère à l’ensemble un double sens de lecture qui lui donne une saveur supplémentaire (« Nothing Stays Permanent », « A Collective Cancelled Thought »). Car ‘Endangered Philosophies’ est – un peu à l’image de son titre – un disque froid et lucide, clinique mais jamais impénétrable (« Battlecries »). Il est l’expression d’un cynisme glaçant, d’une colère sourde mais porte également un message, celui d’une évolution des modes de pensée qui reste possible (« Battlecries », « Straight Razors »).

S’il y a chez Dälek du désespoir latent, il n’y a pas encore de résignation. Mais également une élégance ténébreuse (« Numb ») et une maturité sidérante qui fait les grands albums. Et dans cette catégorie, le huitième album des natifs du New Jersey trône assurément en (très) bonne place.

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A propos de l'auteur

Big boss/grand-mamamushi, God(e) ceinture et mite en pull-over. (je fais aussi le café et les photocopies)

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