Label : Bird’s Robe Records // Pelagic Records (2015)
Genre : Post-noise/Expérimental/Doom-jazz/Rock

C’est un peu comme en rugby. Il y a de plus en plus de groupes originaires de l’hémisphère sud qui se cognent quarante-deux heures de vol, trois escales et deux jours de jetlag pour venir se mesurer à la concurrence Nord-Américaine et Européenne, sans prétention sur le principe mais avec régulièrement la tendance à les surpasser. On pense aux trop rares Jakob, aux plus prolifiques Kerretta, aux rugueux Lo !… comme aux trop méconnus (pour le moment) Tangled Thoughts of Leaving. Concernant ces-derniers, la donne est clairement en train de changer.

Encore relativement peu renommés bien que bénéficiant d’une réelle aura sur la scène post-rock/post-metal et dérivés – ne serait-ce que pour avoir tourné avec 65daysostatic, Deafheaven, Russian Circles ou This Will Destroy You (excusez du peu), ces Australiens n’en sont pas du tout à leurs premiers faits d’armes. Même que le premier témoignage discographique officiel du groupe date de 2008 et que depuis lors, il a enchaîné les sorties, vu son audience grandir et sa réputation le précéder dans les milieux autorisés. Jusqu’à ce ‘Yield of despair’, disons-le tout de suite, en forme de petit chef-d’œuvre du genre. Car sur album studio comme en live, il suffit alors de jeter un tympan (ou les deux) sur le travail des Wallabies pour comprendre pourquoi ces types-là sont si estimés par leurs pairs.

D’entrée de jeu, ‘Yield of despair’ sorti au printemps 2015 en Australie via Bird’s Robe Records (Solkyri, sleepmakeswaves, We Lost The Sea, etc…), puis réédité quelques mois plus tard en Europe par le biais de l’excellente maison allemande Pelagic Records (Abraham, Coilguns, Kruger, Mono, The Ocean…), pose les bases d’un addictif, intense mais complexe alliage sonore. Quelque part à la croisée des chemins entre rock expérimental, doom-jazz, hardcore/progressif, (post)-noise métallique, Tangled Thoughts of Leaving développe un post-rock aux tentacules noise/prog’ aventureuses et aux fulgurance metal instrumental lorgnant peu à peu vers un doom obsédant et le jazz épris de liberté (« The Albanian sleepover »).

Tour à tour lancinante et vénéneuse, organique mais fascinante, la musique des Australiens se veut constamment fleuve – le morceau le plus court flirte avec les dix minutes, le plus long (l’intense « Downbeat ») dépasse les dix-huit minutes quarante) – parvenant à élaborer et ériger patiemment un édifice à l’architecture sonore aussi complexe « The Albanian sleepover (Part 2) » qu’élégamment jazzy. Une véritable hydre sonore génératrice d’émotions changeantes et cathartiques aux instrumentations abrasives, dont les Tangled Thoughts of Leaving sont les maîtres d’œuvre et dompteurs expérimentés.

En immersion profonde dans cet océan de mélancolie déchirée et de puissance instrumentale, de raffinement comme d’émotion brute pudiquement dissimulée, on se retrouve enserré dans une œuvre ombrageuse mais à la richesse très rare à ce niveau (l’éponyme « Yield to despair », « Shaking off futility »).
Disque superlatif à la mécanique rythmique particulièrement étudiée, cet album signé Tangled Thoughts of Leaving se révèle au final d’une maîtrise formelle absolue, d’un propos parfaitement ciselé pour s’inviter le temps des cinq pistes qu’il recèle dans la cour des plus grands de sa catégorie.

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A propos de l'auteur

Big boss/grand-mamamushi, God(e) ceinture et mite en pull-over. (je fais aussi le café et les photocopies)

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